Friday, November 21, 2014

l'heure des bilans...

Voilà, ça y est: presque sans s'en rendre compte on vient de faire un tour de cadran. Un peu plus de 12 mois d'Un(t)raveling à bord de notre ford TRANSITion! C'est un peu comme dans le film de Kim Ki Duk: automne, hiver, printemps, été... et automne. En résumé et en chiffres, cette première année d'Un(t)raveling, ça donne un peu plus de 16000km à travers 6 pays (et 1250 litres de gasoil, soit 7,8 L/100km de moyenne), environ 25 sites d'escalade (dont certains, malheureusement, sous la pluie) et 8 chantiers-projets divers auxquels on a participé, à hauteur de dix à quinze jours chacun. On a gravi quelques sommets et trempé nos pieds dans quelques lacs de montagne, mais on ne compte plus les mètres de dénivelé ni les heures de marche. On a dormi par -7°C et dans la neige, on a été témoins de l'arrivée de la mousson européenne et on n'a en revanche pas souvent eu trop chaud.
Automne, hiver, printemps, été... et automne sur la route.
Sur la route et sous la pluie.
On n'a pas chômé (plus souvent contre le gîte et le couvert que contre rétribution en argent) et passé au banc d'essai quelques systèmes d'économie (et de vie) dite "collaborative": on a fait du wwoofing, du helpx, du volontariat, du bricolage et du DIY contre gîte et couvert, du couchsurfing, des chantiers participatifs, de l'apprentissage, du troc, du travail saisonnier, du freelance et même un peu de parasitage en bonne et due forme de nos familles et amis! On a vu pas mal de pluie tomber par la fenêtre et regardé pas mal de films pendant que la pluie tombait par la fenêtre: des bons et des moins bons... On a écrasé un nombre incalculable de moustiques et on a gratté un nombre conséquent de leurs piqûres malgré tout. Tout compris - on dit bien absolument tout compris - cette année de diesel, péages, tunnels et bacs, entretien du fourgon, assurance, contrôle technique, quelques campings, gîtes ruraux, refuges ou restaurants occasionnels, gaz, nourriture et boisson dont quelques tranches de basse-côte et bouteilles de vin rouge, médicaments et consultations d'ostéopathie sporadiques, pharmacie et cosmétiques, cartes postales, timbres, cadeaux divers et variés, souvenirs, mais aussi les factures du portable, laveries et pressings, achat de livres, de guides d'escalades d'ici ou d'ailleurs, musées, monuments, remplacement de fringues, chaussures de montagne, matériel de sport en général et de grimpe en particulier, sans oublier tous les cafés au lait, cortados et autres caffe latte, véritables sésames à débloquer les wi-fi d'ici et d'ailleurs... tout ça mis bout à bout, donc, a coûté 9360 euros TTC, soit 780 euros par mois, pour deux personnes, all inclusive, même le moins avouable et le plus futile.
Le deuxième petit déjeuner: au jardin et au soleil!
On a rempli le contrat qu'on s'était fixé: vivre à deux avec moins de 800 euros par mois, c'est à dire financer intégralement l'aventure avec notre travail sur la route. Et c'est un autre aspect de l'aventure dont on est très contents!

Et puis rendus là, on remercie évidemment beaucoup amis et famille qui nous ont accueillis tout au long du voyage, pour une nuit ou pour une semaine. Plus ou moins dans l'ordre et sans oublier personne (on espère): M. K. et la petite I., les vétos de StJPP, K. S. et los dos polluelos, X. et son coloc au pied du Xindoki, W. et ses petits plats à Burgos, la belle L. et ses colocs à Pau, U. et L., D. M. et le grand petit L. pour un passage éclair par la Catalogne, nos parents, le beau M., sa MC et leur petit U., D. L. et le petit Z., M., G. et L., le clan des furets (et pas des blaireaux!): B., A., E., L. et la petite M., notre brun ténébreux préféré, A. ainsi que sa charmante maman, Ch. et ses interminables journées de tonte, la fine équipe de Clémencelle (c'est où ça?), Ma et Ma, nos australiens adorés, J. et T. et notre chère G., M. et J. en escapade romantique et sans enfants à Sin City (mais aussi avec enfants et à domicile), Gi-Gi, leur famille et tous les membres de la confrérie de la porchetta pastorale.
Atelier, cuisine et salle de bain du chantier de Clémencelle (c'est où ça?).
Un grand merci aussi, bien sûr, à tous nos hôtes de CS, wwoof, helpx et chantiers de France, de Navarre et de plus loin - ceux que l'on a déjà envie de retrouver, ceux qui nous manquent, ceux que l'on reviendra aider avec plaisir et... les autres. Il y a aussi ceux que l'on n'est pas passé voir, ceux dont les dates ne correspondaient pas, ceux qu'on devait aller voir puis la route a changé et les quelques rendez-vous manqués. Rassurez-vous, on a adoré cette première année et on est bien décidés à remettre ça. Donc à tous ceux qu'on a épargné en 2014, vous pouvez trembler et préparer la chambre d'amis: en 2015, Un(t)raveling va venir squatter vos canapés, cuisiner des trucs super bons et repeindre ou réparer quelque chose. Be prepared... Oh yeah!

Naturellement, passer une année entière à deux dans les six mètres carrés de notre cher TRANSITion! et les espaces que nos hôtes ont voulu/pu faire pour nous dans leurs réalités quotidiennes respectives n'a pas été facile tous les jours.
Se sentir chez soi n'importe où, ou presque!
Le froid, la fatigue, la faim ou le besoin pressant d'une douche ont quelquefois pesé lourd dans la balance et on sait désormais qu'il ne faut pas se lancer dans de grandes discussions sur la vie ni faire des plans à long terme avec le ventre vide ou avant une douche bien méritée. Ça n'a pas non plus été difficile, hein, comprenons-nous bien. Mais il faut reconnaître que c'est un peu plus gourmand en énergie, en enthousiasme et en capacité d'empathie que d'arriver "chez soi", allumer la télé et prendre un café ou une bière. Maintenant, disons-le sans détour: c'est extrêmement satisfaisant et épanouissant, ça fait un bien fou et ça impose une discipline difficile à imaginer depuis l'extérieur, ou à l'avance... On a la sensation d'avoir énormément appris. Appris sur l'Autre, sur nous-mêmes et sur les relations entre humains ; sur les valeurs que l'on considère fondamentales et sur ce qui nous rassure, nous fait sentir en sécurité. On a la sensation d'avoir remis quelques pendules à l'heure dans nos habitudes et nos réflexes culturels ou sociaux. On a la sensation d'avoir remis en question (non sans quelques vagues ou quelques secousses) pas mal d'idées préconçues et d'a priori sur l'intimité et l'espace privé, sur le confort, la propriété et la consommation, sur la notion même de "foyer", "home" ou "hogar": un lieu où poser les valises, s'asseoir et respirer, pour quelques jours ou pour une petite heure à l'abri du tumulte et des regards. Un espace qui n'est plus forcément matériel, mais plutôt un sentiment ou - comme beaucoup l'ont ressenti et exprimé avant nous - un état d'esprit. L'odeur du Nangchampa jaune, cette couverture qui nous suit partout, qui signifie sieste sous un arbre ou après-midi d'hiver, ou encore les quelques classiques de notre bande-son, des thèmes qui nous accompagnent en même temps qu'ils nous transportent. "Ces poissons qui s'en vont, comme le thème au long du chant", authentiques merveilles de sagesse quantique, on sait qu'ils ont le pouvoir de transformer n'importe où en ici et maintenant et on est contents de les partager:




Mais réduire notre dépendance à la matière, aux choses et en particulier à celles que l'on flanque systématiquement - moins par nécessité que par habitude - d'un adjectif possessif: mon sac, ta voiture, notre salle de bains... ne veut pas dire que nous sommes devenus, ni en passe de devenir des corps subtils, des êtres d'éther, des gaz parfaits.
Une salle de bain avec vue? Non. Un abreuvoir récup' pour brebis rustiques.
On a eu froid, on s'est sentis sales, on a failli devenir dingues après avoir passé 8 jours sans se laver la tête, on a mesuré à quel point être fatigué ou avoir soif peut rendre susceptible et irritable, n'y revenons pas. On a craqué quelques fois et on s'est retrouvés en moins de temps qu'il n'en faut pour faire bouillir un oeuf dur, installés dans la chambre proprette d'un gîte rural ou sous la douche brûlante d'un camping en rase-campagne. Nos rares mais dangereuses descentes dans les villages les samedi après-midi, à la recherche d'une belle araignée ou d'une tranche épaisse de basse-côte, sont entrées dans la tradition orale des bouchers de France et de Navarre ; il en est même en Belgie qui gardent le souvenir de nos mines déconfites devant leur offre de beefsteack fin et gris comme les feuilles d'un missel... Voici donc un petit hommage, à quelques petits luxes, grands plaisirs et objets inanimés qui ont rendu possible (ou au moins facilité) ce non-voyage:
Même perdus dans l'hiver et la brume, on garde toujours l'espoir...
- la douche chaude est sans aucun doute le premier de la liste, qu'il s'agisse d'une salle de bains conventionnelle, d'un cabine de camping, d'une baraque en palettes sur un chantier ou de la branche d'un arbre en pleine nature. Dans ce dernier cas, on recommande vivement le compagnon nomade indispensable et ultra-léger : pocket shower de Sea to summit et son complément cuisine incontournable le kitchen sink. Minuscules et faciles à transporter pour se sentir partout comme à la maison... ou presque. On précise qu'on n'a aucun intérêt commercial à vous conseiller ces produits: ni Sea to summit, ni Google, ni Amazon ne nous paient pour vous en parler et on ne gagnera pas un centime si vous les achetez. Tout au plus on sera contents de savoir qu'ils vous rendent service autant qu'à nous!
- en seconde position juste après l'eau vient la lumière... On trimballe partout, dans le camion comme dans le sac à dos (et même pour aller escalader en plein jour) une paire de lampes frontales Tikka de Petzl avec piles AAA rechargeables, mais aussi une lanterne à LED rechargeable sur 12v, 220v ou grâce à sa dynamo intégrée. Sortir en pleine nuit sous la lune, armé de papier toilette et d'un piolet pour aller creuser une petite latrine entre deux taillis est sympa, mais pouvoir s'éclairer un peu le rend quand même plus facile. Sans parler de toutes les autres activités courantes...
Le sunday brunch version Futuna & Wallis. 
- se maintenir au chaud pendant et après l'effort devient un point critique quand on n'a pas vraiment de source de chauffage autre que biologique. Hum... Sans être des malades du matériel de pointe et de la technologie au service du sport, on a fini par reconnaître qu'un bon vieil Odlo ou Capilene sous un pull, c'est drôlement efficace. On a aussi succombé à ces fringues extrêmes qui réchauffent, ventilent, isolent, compriment, soignent, massent et semblent ne jamais se salir, à tel point qu'on les garderait 24h/24 pendant des jours, qu'on dormirait et se doucherait avec... un grand merci donc, à Adidas et aux Lacaunais qui enrichissent ou renouvellent régulièrement notre garde-robe! Encore une fois, on n'est sponsorisés par personne et on ne prétend pas faire de pub.
- enfin, une fois propres, au chaud et éclairés, on n'a pas besoin de grand-chose de plus: une tranche de basse-côte de Maine-Anjou ou de Parthenaise, plus parfumées que des races à vocation bouchère stricte ; un vin de pays pas cher (rouge et du coin, de préférence) ; un oeuf frit sur un peu de salade avec de la moutarde à l'ancienne, du fromage et le plat de choix pour le soir: soupe ou bouillon de légumes de saison, avec suivant les cas du speck, du miso ou du jambon de pays. On a aussi pris l'habitude, grâce à nos chers L. et R., de faire notre propre yaourt: on chauffe un litre de lait jusqu'à la température exacte de "quand on peut y tremper un doigt 10 secondes pas plus, pas moins, sans se brûler", puis on le laisse une nuit dans un thermos en métal qui contient encore un fond du yaourt précédent.
Euh... Ça se passe de commentaires, non?
Simple et délicieux, on le petit-déjeune les matins suivants avec un peu d'avoine et un fruit et on ne le garde même pas au frais: le contenu du thermos tient le coup trois-quatre jours sans problème! On a également adopté et adapté la recette des pâtes Sayin, un grand merci à notre cher U. pour son secret: les pâtes cuites sans eau! Directement dans la sauce de leur accompagnement ou dans la crème fraîche, on les laisse couvertes à feu doux et on n'a pas besoin de faire chauffer des litres d'eau que l'on jetterait ensuite, On recommande d'éviter avec les tagliatelles et spaghettis; y préférer des farfale ou torsettes... Et pour clore le chapitre plaisirs de bouche, comment ne pas mentionner le chocolat qui soigne tous les bobos, règle tous les conflits et accompagne toutes les séances de cinéma sous la pluie sous une couverture: l'exceptionnel Lindt au zeste de citron vert! (en plus, il est fabriqué à Oloron Sainte-Marie! Conso locale, ouais!) Et merci à D. et L. qui nous l'ont fait découvrir...

Il nous faudrait parler encore des livres qui nous ont accompagné, de ceux qui nous pesaient au fond du sac depuis longtemps et ont trouvé un écho ou un terrain favorable au cours de cette année d'errance(s), ceux dont la sagesse et la sensibilité ont réchauffé et éclairé, justement, notre route (s'il fallait n'en citer qu'un, ce serait Dharma Bums, de Kerouac). Et rendre justice à une célèbre enseigne de fast-food très bien représentée sur notre territoire, dont le wifi gratuit et illimité est si puissant que l'on peut parfaitement le capter depuis le parking. Le personnel y est remarquablement patient, qui nous sert en souriant deux cafés contre trois heures d'internet installés confortablement sur des banquettes design et ne refusent jamais qu'on branche l'adaptateur secteur. Il est vrai que le prix à payer est élevé: l'eurodance et le hip-hop poubelle de Fun radio et NRJ à fond non-stop! Mal de tête garanti à la sortie. Et puis c'est vrai que quelquefois, on succombe à une portion de ces petits bâtonnets de carton salés qu'ils appellent frites... Qui a dit qu'il fallait toujours être cohérent?

Sur un bac en Hollande. Noter à droite le pot de pâte de Speculoos, aliment prodigieux à la fois gras, sucré et salé!
En résumé: on a passé une année extraordinaire, la tête pleine de quotidiens toujours renouvelés, et on ne compte en rester là. Rendez-vous donc très bientôt pour d'autres aventures, d'autres projets et toujours des Welcome to et des Handmade with love! Et un immense merci aussi bien sûr à vous qui nous suivez, de près ou de loin, dans ces colonnes!